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Blog Des mots en noir et blanc | Post | #féministe

Mot du jour : Intersectionnalité

Photo du rédacteur: CynthiaCynthia

Dernière mise à jour : 27 mai 2020



Aujourd'hui, j'ai envie de vous parler d'intersectionnalité.

Déjà, c'est un mot que mon correcteur orthographique ne connaît pas. Il n'arrête pas de le souligner en rouge, l'andouille ! Ça veut aussi en dire long sur le chemin qu'il reste à parcourir.


Intersectionnalité est une notion employée en sociologie et en réflexion politique, qui désigne la situation de personnes subissant simultanément plusieurs formes de stratification, domination ou de discrimination dans une société.


 

Les Origines


L'intersectionnalité est un prisme qui permet de regarder les discriminations avec un spectre plus précis. Il nous permet de voir la complexité et les différents niveaux d'injustice sociale.


L'intersectionnalité prend son origine dans le mouvement civique noir des Etats-Unis, lorsque les femmes noires réalisent qu'elles sont invisibles au sein des débats sociaux et politiques. Les hommes noirs relèguent leur combat au dernier plan et le féminisme ne parle que des femmes blanches.


C'est la naissance de l'afro-féminisme, qui est un cas d'intersectionnalité. Mais le terme n'existe pas encore.

Pourtant, l'afro-féminisme a permis de faire émerger d'autres croisements de discriminations.

C'est en 1989 que le terme d'intersectionnalité apparaît pour la première fois dans un article de Kimberlé Crenshaw :




Des exemples frappants

Quand trouver un emploi stable et décent devient difficile lorsqu'on est une femme noire


Kimberlé Crenshaw explique de façon très simple ce qu'est l'intersectionnalité dans son TED Talk (sous-titré en français). Je vous invite VRAIMENT à l'écouter.


Elle y parle d'Emma DeGraffenreid, une femme noire qui porte plainte contre une usine de construction automobile pour discrimination raciste et sexiste en 1976. Cette plainte a été rejetée par le tribunal car l'usine en question embauchait des personnes noires et des femmes.

Alors où est le souci ?

Et bien, les personnes noires embauchées pour des emplois industriels ou de maintenance étaient uniquement des hommes, et les femmes embauchées pour des emplois de secrétariat ou de réception étaient blanches.

Ouais. On appelle ça la double peine.



Emma ne correspondait à aucune case et c'est ce qu'elle essayait de dire. Mais la justice ne l'a pas vu. Parce que le problème n'avait pas de nom.

Comme le dit si bien Kimberlé Crenshaw :

"Nous savons tous que si un problème n'a pas de nom, on ne peut pas le voir. Et si on ne peut pas voir le problème, on ne peut pas le résoudre."

Quand la justice nie l'existence d'un viol sur une mineure noire


Dans certains cas, l'intersectionnalité va beaucoup plus loin. Je vous laisse imaginer les remarques combinées sur ma couleur de peau et ma poitrine et/ou mes fesses alors que je me promenais dans la rue.


Mais l'exemple le plus choquant de tous, a eu lieu en 2017, en France. Vous vous en souvenez sans doute. Un homme de 22 ans est acquitté du viol d'une petite fille de 11 ans.


D'origine africaine tous les deux, le procès est un amas de clichés racistes et sexistes, où la "chaleur africaine" est un argument valable pour acquitter un violeur et remettre la faute sur une fillette de 11 ans.

L'article de ManyChroniques, résume très bien les faits, de façon brutale.


Je vous donne ici des exemples liés à l'afro-féminisme, mais évidemment, l'intersectionnalité s'applique à tous les types d'injustices : homophobie, discriminations dues au handicap, à la classe sociale, à la religion...


Autre cas récent : le scandale du hijab Decathlon, ou quand on dit aux femmes musulmanes comment s'habiller



Pourquoi tant de tabou en France ?


Vous pensez que le sujet n'est pas tabou ?


Février 2019, la magazine Mouvement sort le dossier Intersectionnalité. Le dossier est censuré pendant quelques jours sur Facebook. Vous imaginez le nombre de signalisations qu'il a fallu alors que rien de choquant n'y est partagé.

Si ce n'est le fait de nous mettre le nez dans notre m*rde, comme on dit vulgairement.

"Contrairement aux Etats-Unis (…), la tradition française républicaine se veut aveugle à la race et à la couleur, et ça explique en partie les résistances à l’intersectionnalité." Chloé Leprince, journaliste à France Culture

Alors, comment faire lorsque l'on vit dans une société qui refuse de voir le problème ? Qui s'offusque du port du voile, mais qui décore ses mairies de crèches pendant la période de Noël ?


En admettant que les femmes racisées sont nécessaire au débat féministe. C'est de cette manière que ce mouvement pourra être bénéfique à toutes et tous.


  • Tant qu'en France, on prônera un féminisme blanc, "un peu" raciste,

  • Tant que les Françaises blanches issues de la bourgeoisie prôneront la liberté d'importuner alors qu'elles sont confortablement installées dans leur voiture et rarement confrontées au harcèlement dans la rue ou dans les transports,

  • Tant qu'on hyper-sexualisera les femmes racisées (reste d'un passé colonialiste qu'on aimerait oublier ?), rien ne pourra bouger.


Jouons franc-jeu et regardons nos problèmes en face. Du moins, arrêtons de les ignorer.


Je parle beaucoup ici des femmes noires, mais imaginez ne pas avoir deux niveaux de discriminations, mais 3 ou 4, voire plus ! Femme noire lesbienne, Homme noir musulman handicapé, Femme musulmane bi handicapée... Bref, vous avez compris.


L'intersectionnalité peut s'appliquer à tous ! Autant sur la question du racisme et du sexisme que sur la question des classes sociales ou encore de l'orientation sexuelle.

C'est un outil fabuleux pour mieux comprendre les injustices sociales et voir au-delà des différences.


Des bises.

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